Viviane Pasqui est maître de conférences, habilitée à diriger les recherches, à la faculté d’Ingénierie de l’Université Pierre et Marie Curie-Sorbonne de Paris. Sa recherche, à l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique, s’intéresse aux méthodes de caractérisation du mouvement humain, même pathologique, pour la conception de robots d’assistance et de rééducation pour les déficiences motrices.
Viviane Pasqui a été invitée par l’Université de Pérouse à faire un séminaire le 10 décembre 2015 sur: «L’Intelligence de l’homme vs l’Intelligence de la machine», au Département de Philosophie, Sciences Sociales, Humaines et de la Formation. Cette thématique représente un terrain commun et une source de dialogue entre la Robotique et les Sciences humaines, en particulier la philosophie et la psychologie. Ce séminaire a été l’occasion d’échanger à travers une séance de questions-réponses, sur sa recherche mais aussi sur un débat plus vaste: le rôle de l’homme dans son rapport à la Technologie, qui questionne sur la légitimité même de cette dernière
Pourquoi vous avez choisi la recherche dans ce domaine scientifique?
Si j’ai toujours été passionnée par la technologie et plus particulièrement par la robotique, une dimension humaine manquait à mon travail de Thèse de doctorat. Il s’agissait alors d’analyser les mouvements des robots, parfois très compliqués, pour en améliorer leurs performances. Lorsque j’ai intégré l’Université Pierre et Marie-Curie, après mon doctorat, j’ai voulu ajouter à ma recherche la dimension du ‘vivant’. Je me suis alors intéressée aux mouvements des animaux pour concevoir des robots (hexapode, serpent). Cependant, à l’analyse du mouvement animal pour concevoir des robots manquait encore un aspect applicatif important: aider. C’est en participant à un projet sur l’analyse du mouvement pathologique du cheval pour l’aide au diagnostic que j’ai défini ma thématique de recherche: «méthodes de caractérisation du mouvement humain, même pathologique, pour la conception de robots d’assistance et de rééducation pour les déficiences motrices». J’ai monté et piloté une nouvelle thématique de recherche à l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique à la suite d’une rencontre qui a eu lieu, il y a une dizaine d’année, entre des gériatres du Pôle Allongement de la Vie Charles Foix. Une rencontre entre des besoins exprimés, tant par les médecins que par les patients, d’aides techniques robotisées pour l’assistance à la mobilité des personnes âgées et une expertise dans le domaine de la conception et de la commande de dispositifs robotiques interactifs.
Le séminaire porte sur l’«Intelligence» et ce concept a été utilisé à a fois pour l’homme et pour la machine. Pour cela, vous avez utilisé la théorie des Intelligences multiples thématisées par Howard Gardner.
L’utilisation du concept d’Intelligence, n’est-il pas très réducteur pour parler de l’humain dans sa totalité?
En effet, ce concept est réducteur lorsqu’on considère l’homme dans sa globalité. Mais il s’agissait de mettre en relation ce qui est appelé ‘intelligence’ pour une machine et l’intelligence humaine.
On voit bien ainsi, qu’en l’état actuel des connaissances l’intelligence de la machine est ‘réduite’.
L’usage de ce concept est une modalité désormais consacrée par les Sciences Techniques, vous pouvez nous expliquer la raison de cela?
Oui, placer un capteur (caméra, gyromètre…) dans un objet c’est lui donné une image du monde et lui permettre de choisir l’action à mener pour atteindre son objectif ou effectuer une tâche. Cette adaptabilité est appelée intelligence en science et technique.
Pendant votre discours la conscience a été définie «un phénomène biologique», c’est une définition très fort. Il a été utilisé pour souligner la différence entre l’homme et la machine à partir du concept même de «bios» et par la définition des «émotions» qu’a été formulée par Antonio Damasio. Selon lui ils ont valeur cognitif mais en tant que modifications d’état corporelle, donc ils appartiennent à cette dimension, c’est à ce propos qui critique le dualisme cartésien entre res cogitans et res extensa. Vous avez souligné, entre ce prospective, une réévaluation de la sphère émotif-sentimentale au-delà de celle rationnelle, mais on dirait que soit plutôt une dévaluation de celle-ci et du conscience même au niveau matériel. Vous êtes d’accord?
Dans le cadre de l’ingénierie robotique, quel est le rôle que jouent les neurosciences? et à ce propos quel est le modèle privilégié pour répondre au problème du rapport entre esprit (mind) et cerveau (brain)?
Le rôle des neurosciences en robotique est double. D’une part il s’agit de vérifier que des modèles de comportement (animal en général) sont valides et d’autre part de développer des comportements plus adaptés (ou ‘intelligents’) pour les robots.
Le nouvelle technologies soulignent que dans l’analyse et la reproduction des certes processus mentales il y a la possibilité de mieux comprendre l’homme. À ce propos, Jürgen Habermas a parlé d’une «objectivation technique de la nature humaine» qui provoquerait une «auto-compréhension éthiquement nouvelle et incompatible avec l’autonomie et la responsabilité», à savoir avec une vie morale. Donc la technique offre un moyen pour connaitre l’homme ou plutôt pour lui modifier dans le terrain éthique- moral? S’agit, peut-être, d’un concept de l’homme qu’en écart sa dimension relationnelle et le contexte où celle-ci se réalise ?
Dans le projet que vous avez présenté, et le domaine même de vos recherche, les robots ont le but d’aider l’homme et de s’intégrer avec lui. Mais dans le cadre de l’ingénierie robotique quel est la limite entre traitement et renforcement?
Les robots d’assistances et de rééducations ne sont que de nouveaux outils plus perfectionnés pour aider les thérapeutes. Ce sont des machines qui aident physiquement les humains (en échageant un ‘travail’, au sens mécanique, ou de l’énergie), mais elles permettent aussi la mesure de paramètres biologiques (objectivation ou quantification des diagnotics), enfin ce sont des objets connectés et en ce sens elles permettent la surveillance et l’intervention (précoce) des thérapeuthes.
Et, en pensant en manière particulier aux humanoïdes, le statut du robot par rapport à l’homme se dégage comme Autre de lui ou plutôt comme une simple extension de sa Intelligence?
Le robot humanoïde est plus pour moi de l’ordre du fantasme que de l’utile. Un robot n’a pas besoin de ressembler à un humain pour remplir ses tâches et aider l’humain. Pour moi le robot idéal serait TARS (le robot dans le film Interstellar). Il ne ressemble en rien à un humain, mais rempli parfaitement toutes les tâches d’assistance aux humains. Son «intelligence» est paramétrable en fonction des besoins des humains. Un robot est et restera une machine. Il appartient aux humain de l’utiliser à bon escient.